vendredi 20 janvier 2017

Apprendre à philosopher

Une collection que j'apprécie  au  fil  des mois
  60  numéros
Il est  temps de commencer  à archiver  :-)
avec la   phrase  clé  choisie  par la collection pour  illustrer  l’œuvre du  penseur 

Adorno : "La raison  est   un instrument de soumission de  l'homme  aux  besoins de  la société"

Aristote : L'homme heureux  et  la société  juste sont le résultat d'un  équilibre entre les extrêmes.

Averroès :  "L'éducation, fondement d'une société heureuse."

Hannah Arendt :  "   Le totalitarisme est  une  forme  de  domination qui  utilise  la  terreur pour  détruire  l'être   humain"

Francis Bacon  :  Une nouvelle  méthode scientifique  basée  sur  l'observation  et   l'expérience

Walter   Benjamin :  "il  faut  construire  l'histoire  avec  les vaincus"

Bentham :  " Ce qui  est  moral produit la  plus grande  quantité de plaisir et la  plus  petite  quantité de   douleur ."

Bergson : L'intuition  comme   méthode  d'apprentissage.

Berkeley : "La  réalité  physique n'existe  qu'en  tant  qu'elle est   perçue ou  pensée   par   quelqu'un "

Giordano Bruno : Dieu  a  crée  l'univers  infini  dans lequel  l'homme est  libre. 

Comte :  Le positivisme   scientifique permettra la  création  d'une  société fondée sur l'ordre et le  progrès.

Derrida :  La  différence  ,  moteur   d'une  nouvelle   forme  de   pensée.

Descartes :  Le doute  comme  point de départ  de la réflexion.

Diderot :  "La connaissance libère  l'homme et  le  conduit au  bonheur "

Dilthey ; Il  faut  appréhender  l'histoire  par la  subjectivité  de ses  acteurs  (
19 11 1833 -1 10 1911  Allemagne)

Epicure : " L'objectif  suprême  de  la  philosophie   est  le  bonheur"

Erasme : "Une critique  acerbe  de  l'ignorance et  du  fanatisme, sources de   tous les conflits"

Fichte  ???

Foucault : Il  n’existe  d'autre  vérité  que  celle  produite par  le  pouvoir.

Freud : "Tous les actes de  l'homme naissent   dans l'inconscient" 

Bruno Giordano : "Dieu   a créé un univers  infini dans lequel  l'homme  est  libre"

Gadamer :  Les  êtres humains interagissent avec  le  monde au  travers du  langage. 11 février  1900- 13 mars   2002  Allemagne

Habermas : L'échange  d'arguments entre les  membres  d'une  société est   le fondement  de  l'humanité

Hegel : " L'histoire  est   un  processus  menant   à  la liberté."

Heidegger : " L'homme  est  un être  qui  doit  affronter sa finitude"

Héraclite  et  Parménide :  Quelle  est l'origine  de   toute  chose? La  première  tentative  d'une  explication  de  l'univers"

Hobbes : " l'homme est un  loup  pour  l'homme"

Hume : " Notre pensée  est  fondée  sur   l'habitude  et  l'expérience."

Husserl : " Pour connaître  le  monde   il  faut le   mettre entre  parenthèses."

William  James : "La vérité  est  trop  riche   pour   être  saisie  d'un  seul  regard" (1842-1910) U.S.    Pragmatisme.

Kant : " Que  pouvons-nous savoir et  que  devons-nous faire ? De la morale   et  la connaissance"

Kierkegaard : "Nous sommes seuls  face  à  nous  même et face à  Dieu"


Leibniz : "Dieu  cet  être parfait a créé le meilleur  des  mondes "

Lévinas :  Le sujet   doit  assumer  la responsabilité  d'autrui  au point de renoncer  à  soi 

Locke : " L'état  à  le devoir  de  protéger les droits et  libertés  des citoyens"

Maïmonide  : "Qui  se  rapproche   de   Dieu, par  la foi  ou  la raison , se  rapproche de la vérité"

Marx : " La  lutte des classes est  le  moteur  de l'histoire"

Merleau-Ponty:  Le corps est l'instrument  qui permet  de  communiquer  avec  le monde.

Stuart  Mill : " L'individu   est  libre de  faire   ce  qu'il  désire, tant  que   ses actions  ne nuisent pas   à  autrui"

Montaigne  : "Il  n'y  a  pas  de  vérités absolues"

Nietzsche  :   La critique  la  plus radicale des valeurs et de la  morale occidentales  .

Ortega  y  Gasset : "Le triomphe de  la masse  sur  l'individu  est  une menace  pour  la  démocratie"

Pascal  :  Pour accéder  à  la connaissance  il  est  besoin  du  cœur  autant  que  de la raison  .

Peirce : La  pensée  est  destinée   à  formuler  une opinion  finale  qui  sera   la  vérité.
1839-1914 Américain

Platon : Les réponses aux interrogations  les  plus actuelles sur la  connaissance, l'éthique  ou  la  justice.

Plotin : "L'Un est  le principe  de  toute  réalité, ce  depuis quoi tout  part et  vers tout  converge"


Popper : Pour qu'une  théorie  soit  scientifique   il  doit  être  possible  de la  réfuter

Rawls : La  justice  est  la vertu la  plus  importante d'une société  démocratique."

Rousseau :  L'homme est bon  par  nature . C'est  la société qui  le corrompt.

Russell : Seule  la  logique  permet de bien penser

Saint  Augustin : La foi  et la raison  mènent  à  la même vérité : Dieu

Saint Thomas d'Aquin :  L'inaccessible   pour  la raison ne l'est pas  pour la  foi .

Sartre : L'homme radicalement  libre  est  seul  responsable  de  son existence  .

Schelling :  L'homme fait  partie  de  la  nature  et doit  vivre  en   harmonie  avec  elle

Schopenhauer :  La reconnaissance  de l'irrationnel comme  force dominante  de  l'univers

Socrate:  La sagesse  commence avec le  reconnaissance de  notre  ignorance.

Spinoza : L'homme  libre  connait ses passions  et  choisit   celles qui  lui  siéent  le mieux

Voltaire :  De l'importance du  dialogue. Tolérance  et  liberté de  pensée.

Wittgenstein : "Les limites de notre langage sont les  limites de  notre   monde"


mercredi 11 janvier 2017

Goethe Les affinités electives

et l'analyse par  Bernard Joly publiée dans la revue  Methodos
Affinités electives Entre Sciences et littérature par Bernard Joly 

dont extraits:
Résumé  :  Par leur titre même, Les affinités électives de Goethe renvoient à la doctrine chimique des rapports entre différents corps qui, à partir des travaux d’Etienne-François Geoffroy en 1718, s’impose comme théorie dominante dans la chimie du XVIIIe siècle. Goethe ne se contente pas d’une simple analogie entre les attirances amoureuses qui font et défont les couples et les opérations chimiques qui règlent les liaisons et les précipitations des substances chimiques. Son excellente connaissance de la tradition chimique et alchimique le conduit à considérer l’affinité comme une loi de la nature produisant aussi bien ses effets en chimie que chez les êtres vivants et dans le psychisme.
 [...]
 2    Pour rendre compte de la force qui détruit le couple de Charlotte et d’Edouard et qui lie les deux nouveaux couples qui se forment, Goethe a invoqué, comme le titre l’indique, la puissance naturelle des affinités électives, notion empruntée à la chimie de son temps, et dont il fait faire, par le Capitaine, un brillant exposé de vulgarisation scientifique dans le chapitre quatre de la première partie, avant même qu’Odile soit apparue. Le passage est étonnant, audacieux même du point de vue de la structure du roman, puisque Goethe n’hésite pas à sortir ses personnages de la trame même du récit qui leur donne existence, pour leur faire tenir un discours qui, à ce point d’avancée de l’intrigue, ne peut pas encore constituer une tentative d’interprétation de leur propre histoire, et qui se trouve donc, en quelque sorte, en surplomb par rapport au texte même du roman, dont les personnages se seraient un instant échappés pour pouvoir exposer les ressorts, non pas de leur existence subjective telle qu’elle se déploie dans le corps du récit, mais des procédés même que l’auteur, ou du moins le narrateur, utilise pour structurer son œuvre et construire la psychologie de ses personnages. Il n’est finalement pas si fréquent que dans un roman les personnages évoquent les procédés littéraires qu’utilise l’auteur pour les faire exister.
  [...]
 Dans un essai d’une centaine de pages écrit en 1922 et publié en 1925 sous le titre « Les affinités électives de Goethe »2, Walter Benjamin s’attache à rechercher la « teneur de vérité » de ce roman, qu’il distingue de la « teneur chosale » qui intéresse le commentateur (p. 36) ; cette teneur chosale est mythique : le contenu du livre « apparaît comme un jeu d’ombres mythologiques déguisées en personnages contemporains » (p. 45). Benjamin commence par rapporter les réactions d’incompréhension et de rejet que suscita l’ouvrage dès sa parution en 18093. Goethe lui-même se souvient, dans une lettre de 1827, que face à son roman, le public « s’est agité comme au contact d’une tunique de Nessus ».Plus encore qu’immoral, l’ouvrage semblait dérangeant, Goethe entretenant d’ailleurs le malaise en parlant à ses correspondants de l’« abondante substance » qu’il avait cachée dans le roman et de son « évident mystère »5. Ainsi, juge Benjamin, Goethe parle de son œuvre en des termes « justement destinés à interdire l’accès à la critique. A la technique du roman, à ses thèmes véritables, il entendait conserver leur mystère » (p. 51), et cela parce que « toute signification mythique réclame le secret » (p. 52). Cette substance secrète, Goethe l’aurait révélée dans son autobiographie, dans laquelle il évoque la présence dans la nature d’une essence démonique, « quelque chose qui ne se manifestait qu’à travers des contradictions », ni divine ni humaine, ni angélique ni diabolique, hasard aussi bien que providence. « De cette terrible essence, ajoute Goethe, je tentais de me sauver »
 5Mais attention, poursuit Benjamin, il ne s’agit pas de céder au « proton pseudos » de la méthode critique, cette erreur initiale qui affirme qu’un texte n’est compréhensible qu’à partir de la vie de son auteur (p. 65) : « la vie d’un homme, même lorsqu’il produit des œuvres, n’est jamais celle d’un créateur » (p. 72). « L’essentiel, selon Benjamin, est plutôt la lutte du poète pour échapper au cercle où la mythologie prétendait l’enfermer. En même temps que l’essence même de cet univers, les Affinités nous présentent l’image de ce combat. » (p. 77).
  [...]
 11  Qu’il s’agisse bien plus que d’une comparaison, que l’ouvrage présente l’évolution des relations amoureuses des personnages selon les règles d’un déterminisme psychologique qui rend vains les engagements et les promesses du mariage, et qui ne trouve son explication que dans le cadre d’un système général d’attractions et de répulsions entre les êtres, dont le cas de la chimie présenterait l’une des applications jusqu’ici les mieux étudiées, c’est ce que Goethe semble avoir voulu lui-même indiquer au public, lorsqu’il rédigea l’annonce du roman qui parut dans le Morgenblatt du 4 septembre 1809 :  [...]
 12  Ce texte ne manque certes pas d’ambiguïté, puisque Goethe signale l’origine anthropomorphique du concept d’affinité, mais en même temps il justifie la pertinence du rapprochement, qui ne peut donc pas se réduire à une métaphore (Gleichnisrede), en invoquant l’unité de la nature dont les lois font sentir leur nécessité jusqu’au cœur des libres décisions rationnelles. Ainsi, si les lois de la physique et de la chimie sont aussi celles des relations entre les êtres humains, et donc de la morale et de la politique, ce n’est pas que les secondes se réduisent aux premières, mais plutôt que les unes et les autres sont l’expression de lois de la nature plus fondamentales. Le rapport entre chimie et psychologie n’est donc pas simplement métaphorique.
   [...]
 28  C’est précisément l’échec de ces tentatives de mathématisation des affinités qui conduira les chimistes du début du XIXe siècle, après les vains efforts de Berthollet et de Laplace, à abandonner la théorie des affinités au profit de recherches sur les forces chimiques et électriques dans lesquelles les tableaux d’affinités ne jouent plus aucun rôle. De ce point de vue, on pourrait dire que c’est au moment où la théorie des affinités électives disparaît de la chimie que Goethe lui offre une nouvelle fortune dans l’univers romanesque.
 [...]

33  Ainsi, la seule chose qui distingue les êtres humains des molécules d’acide ou de métal, c’est que la conscience qu’ils ont de leur situation leur donne l’illusion qu’ils pourraient s’opposer aux lois de l’affinité, alors que leur bonheur ne peut être que dans l’adhésion aux forces naturelles qui les entraînent contre toute raison et contre toute loi humaine. C’est Edouard désormais qui s’exclame :
« Quelle folie de rejeter délibérément et précipitamment ce qui nous est le plus indispensable, le plus nécessaire, que peut-être nous pourrions encore conserver, même si nous sommes menacés de le perdre ! Et pourquoi cela ? N’est-ce pas uniquement pour que l’homme semble avoir la possibilité de vouloir et de choisir ? C’est ainsi que souvent, dominé par cette sotte prétention, je me suis arraché à des amis des heures et des jours trop tôt, simplement pour n’y être pas contraint par l’inexorable terme final. mais cette fois je veux rester . Pourquoi m’éloigner ? »
  [...]
 44  Bien évidemment, les références de Goethe ne sont plus alors les traités sur les affinités, mais toute la littérature alchimique de la fin de la Renaissance et du XVIIe siècle, qui évoque en effet constamment des destructions et des résurrections, qui compare l’antimoine à un loup dévorant parce qu’il purifie l’or, qui multiplie les métaphores sexuelles, ou qui, à la suite de Paracelse, prête aux substances chimiques corps, âme et esprit, ou encore qui, comme Van Helmont, discerne en toute chose un « Archeus faber », principe directeur qui possède la connaissance lui permettant de conduire les corps vers leur destinée, dans une vaste correspondance et analogie des corps inférieurs avec les êtres supérieurs, le microcosme et la macrocosme, le monde d’en bas et celui d’en haut.

 45   Il n’est donc pas étonnant que Goethe, pénétré de ces références à la littérature alchimique, insiste sur le caractère général des attirances du semblable par le semblable : « Quand nous examinons dans la nature ce qui s’offre à nous, nous remarquons d’abord que tout est attiré par soi-même » (p. 72), affirme le Capitaine au début de son exposé, tandis qu’Edouard poursuit en donnant des exemples : « Représente-toi l’eau, l’huile, le mercure, tu découvriras une union, une cohésion de leurs éléments. A cette union, ils ne renoncent que contraints ou orientés différemment. Cette influence extérieure éliminée, aussitôt ils reconstituent l’ensemble » (pp. 72-73). Ce premier stade dans l’exposition de la doctrine de l’affinité, où il est question de l’attirance du semblable par le semblable, est totalement absente du traité de Bergman, qui commence au contraire en situant l’affinité chimique dans le cadre plus général de l’attraction newtonienne, dont la loi est immédiatement rappelée. Certes, on pourrait croire, poursuit Bergman, que les lois de l’attraction éloignée différent de celles de l’attraction prochaine ou chimique, mais cela tient simplement au fait que, lorsque les corps sont très proches l’un de l’autre, la figure et la situation des parties joue un rôle aussi important que celles du tout. Il y a donc des quantités que l’on peut négliger dans l’attraction éloignée où la question du contact n’intervient pas. Il ne sera pas question de tout cela dans le roman de Goethe.
   [...]


59Goethe a donc exploité un fonds bien plus large que celui des traités portant sur les affinités chimiques, qui est celui de la chimie tout entière, allant jusqu’à retrouver dans la chimie de son temps des doctrines qui fleurissaient dans les textes alchimiques de la Renaissance.
60On pourrait alors soutenir que l’apparente facilité avec laquelle la doctrine chimique trouve à s’appliquer aux relations humaines s’explique par le caractère anthropomorphique de l’explication traditionnelle des opérations de la chimie. Alors, plus que d’une transposition de la chimie dans le roman, ou d’un traitement romanesque de la chimie, c’est du romanesque de la chimie elle même dont il faudrait finalement parler. Mais cela, dira-t-on, ne vaut que pour une science ancienne, périmée comme aurait dit Bachelard. Sans doute, et la chimie traditionnelle serait romanesque au même titre que l’était la physique cartésienne : non pas tant par le recours à des métaphores que par la nécessité de construire des hypothèses. Mais n’en est-il pas ainsi de toute science ? Et, quelles que soient ses références à des théories chronologiquement éloignées, n’est-ce pas à la chimie de son temps que Goethe entend apporter sa contribution ? N’est-ce pas aux ressorts profonds des relations individuelles telles qu’elles existent actuellement qu’il souhaite appliquer le bénéfice des découvertes de la chimie ? Dans ces conditions, si la science est si souvent présente dans la littérature, n’est-ce pas d’abord parce que le discours scientifique contient toujours en lui-même quelque chose du roman ?