dimanche 8 juin 2014

Ecrits sceptiques de Bertrand Russell

Essais sceptiques

Responsables : Bertrand Russell, préface de Mathias Leboeuf, traduction de André Bernard
Belles lettres , Paris
collection Le goût des idées , numéro 8 , (janvier 2011)

Résumé

Prenant pour point de départ l’irrationalité du monde, B. Russell offre par contraste un point de vue paradoxal et subversif : la croyance en la capacité de la raison à déterminer les actions humaines. Ces essais (1928) avaient pressenti les horreurs qui résultèrent des passions irrationnelles issues des convictions religieuses et politiques, aussi connurent-ils un large succès. 
( http://www.laprocure.com/essais-sceptiques-bertrand-russell/9782251200088.html )

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Contre l'irrationnel, Bertrand Russel propose le doute

Par , publié le

Le scepticisme de Bertrand Russell est un plaidoyer en faveur de la tolérance religieuse et politique.


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Mathématicien, logicien et philosophe, Bertrand Russell (1872-1970) est l'un des esprits les plus brillants du Royaume-Uni. Auteur des Principia mathematica (1910-1913), ouvrage majeur de la logique moderne rédigé avec son ami Whitehead, et partisan d'une philosophie scientifique fondée sur l'analyse logique, il fut aussi un moraliste et un philosophe engagé. En 1916, son pacifisme lui coûte d'être démis de ses fonctions au Trinity College à Cambridge et d'être incarcéré quelques mois. Il recevra en 1950 le Nobel de littérature, pour avoir été "au travers de ses nombreux écrits le porte-parole de la libre pensée et des idéaux humanistes".
Dans ses Essais sceptiques, publiés en 1928, Russell propose, avec humour, une doctrine dont il craint qu'elle paraisse "terriblement paradoxale et subversive", à savoir qu'"il n'est pas désirable d'admettre une proposition quand il n'y a aucune raison de supposer qu'elle est vraie". Le scepticisme rationnel ne consiste pas à douter de tout, au point de ne plus pouvoir agir. Russell reconnaît tout résultat scientifique établi, non comme absolument certain, car, même s'ils sont d'accord, les spécialistes peuvent se tromper, mais "comme suffisamment probable pour fournir la base d'une action rationnelle".
En revanche, le degré de passion et d'intolérance avec lequel sont défendues les opinions religieuses et politiques pour lesquelles les hommes acceptent de se battre mesure précisément le manque de raisons logiques en leur faveur. Au fil de pages consacrées aux sujets les plus divers, la superstition, le bonheur, l'intolérance religieuse, l'éducation ou encore le puritanisme, Russell s'emploie à montrer que seule une bonne dose de scepticisme peut déjouer les illusions qui nous font adhérer aux croyances irrationnelles et croire, par exemple, que les actions guidées par la haine de l'autre sont en réalité commandées par l'amour de la justice. Ce plaidoyer sceptique pour la tolérance et la libre pensée repose sur la conviction qu'il est possible d'augmenter notre capacité à former des jugements rationnels et de promouvoir ainsi la morale authentique, fondée non sur l'envie et la restriction, mais sur le désir d'une vie pleine et la recherche du bonheur

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les belles lettres   sommaire :
 

Essais sceptiques



Résumé   |   Sommaire   |   Critiques   |   Fiche technique
I- Introduction : de la valeur du scepticisme
II- Rêves et faits
III- La science est-elle superstitieuse ?
IV- L'homme peut-il être raisonnable ?
V- La philosophie au XXe siècle
VI- La machine et les sentiments
VII- Le Behaviourisme et les valeurs
VIII- Idéals du bonheur en Orient et en Occident
IX- le mal que font les « Hommes de Bien »
X- La recrudescence du puritanisme
XI- Le besoin de scepticisme en politique
XII- Pensée libre et propagande officielle
XIII- La liberté et la société
XIV- La liberté contre l'autorité dans l'éducation
XV- Psychologie et politique
XVI- Le danger des guerres de religion
XVII- Quelques perspectives gaies et autres
Bibliographie
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Sur Libération


Silhouette dégingandée, chevelure blanche en pétard, pipe à la bouche. Une tête qu’illuminent des yeux malicieux, posée sur un cou très fin. De loin, on dirait monsieur Hulot. Dire qu’il est le plus grand philosophe britannique du XXe siècle, qui a refaçonné tous les concepts des mathématiques dans la perspective du «logicisme», en les fondant non plus sur les axiomes arithmétiques mais sur la théorie des classes et des relations, en ferait un personnage trop austère. En fait, Bertrand Arthur William Russell est un drôle de zigue. Il se définit lui-même comme «un whig britannique», et dit avoir l’amour british «du compromis et de la modération». On ne le croit pas vraiment, car, Sir Bertrand, on songe à le situer partout, sauf dans une «position moyenne».
Pacifisme. Moyenne n’est pas son ascendance : né le 18 mai 1872 à Trellech, Monmouthshire (mort le 2 février 1970 près de Penrhyndeudraeth, pays de Galles), orphelin de mère à deux ans, de père à quatre, il est le 3e comte Russell, petit-fils de John Russell, Premier ministre de la reine Victoria. Hors norme, comparable à celle d’une rock star, est la gloire qu’il connut de son vivant, avant et après le prix Nobel de littérature qu’il obtint en 1950, et jusqu’à la création, avec Jean-Paul Sartre, du Tribunal contre les crimes américains au Vietnam. Peu modérée est sa vie sentimentale, qui le fit se marier quatre fois et aller d’aventure en aventure. Enfiévrés apparaissent ses engagements politiques et éthiques, qui le firent défendre, au prix de quelques séjours en prison, le désarmement nucléaire, le pacifisme, les droits des femmes, l’éducation non autoritaire, l’amour libre, et fustiger le dogmatisme, la religion, la pruderie, les injustices du capitalisme… Voudrait-on quand même avaliser l’amour de la modération, il faudrait probablement le chercher dans le rapport que Russell entretient avec la vérité. Bien que faisant pleinement confiance aux sciences, il ne pense pas que quelque chose puisse avoir, jamais, le statut de vérité absolue, ni, à l’inverse, que toutes les propositions prétendent s’équivaloir sans se soumettre au verdict d’une argumentation sensée qui en montrerait soit l’invérifiabilité ou la fausseté (absolue) soit la vérité (relative). Aussi Sir Bertrand penche-t-il du côté du scepticisme. Non un «scepticisme héroïque» à la Pyrrhon, rejetant la possibilité même de la connaissance vraie, mais un scepticisme soft, qui cultive la disposition à écarter toute hypothèse infondée, contrôle les opinions en les confrontant loyalement aux opinions adverses et oppose des raisons raisonnables aux égarements irraisonnables des croyances.
Publiés en 1928, au moment où il adjoignait de plus en plus à son travail de philosophe, de logicien et d’épistémologue un intense activisme politique, les Ecrits sceptiques n’ont pas peu contribué à la renommée de Bertrand Russell. Ils ne provoquent pas le scandale que suscitera l’année suivante leMariage et la morale. Mais font probablement mieux. Ou irritent encore davantage bigots et bien-pensants, parce que le maître du Trinity College de Cambridge, en mêlant l’ironie, l’argumentation, l’exemplification, y démonte calmement les mythes, les peurs, les croyances sises dans la culture occidentale, qu’ils touchent l’influence de la psychanalyse, la théorie de la relativité, la superstition qui peut s’insinuer dans la science, les faux-semblants de la politique, la liberté, «les dangers des guerres de religion», le puritanisme ou «le mal que font les "hommes de bien"».
Bonheur. Comment faire pour que diminuent «les revenus des voyantes, des bookmakers, des évêques, de tous ceux enfin qui tirent leur subsistance des espoirs irrationnels» des gens ? Eh bien, il faut patiemment identifier, puis, par la force des faits, extirper les racines folles de nos convictions et nos actions, entre autres ces catégories mortifères que sont la culpabilité et le péché, «notion géographique». Ce n’est qu’ainsi que dans l’existence, dans la vie sociale, la vie politique, pourront se dégager «quelques perspectives gaies», et un idéal du bonheur qui n’exigerait pas, pour être bâti, la misère d’autrui. Aux yeux des ligues de vertu, qui empêcheront qu’il enseigne au New York City College, Bertrand Russell est l’auteur d’une œuvre «lubrique» et «dépourvue de toute fibre morale». Il écrivait : «Nous avons besoin d’une morale fondée sur l’amour de la vie, sur la joie de la croissance et des accomplissements positifs et non sur la répression et l’interdiction. On devrait considérer un homme comme "un homme de bien" s’il est heureux, expressif, généreux et joyeux du bonheur des autres.»
Robert MAGGIORI