samedi 18 mai 2013

Jack London : Les mutinés de l'Elseneur et le loup des mers



Je me donne pour objectif  de  relire  ces  deux  livres  que  j'ai   lu  gamine   enfin  ado  .. comme  beaucoup  d'entre  nous  .
Comme  je suis toujours  aussi  convaincue  qu'on se construit principalement  avec  nos  livres, bien  avant que d'être  façonné par  la vie, mais  que  bien   sûr   on enfouit la   substance  pour se  l'approprier de  manière  inconsciente  , c'est  un  plaisir   immense de   faire le chemin à  l'envers ,  et de révéler   la source  de  nos  idées  et  de  nos  émotions.
 J'ai  commencé  avec le  loup  des  mers et  déjà  dès  les premières  pages  j'y  retrouve les  empreintes  de  Schopenhauer   et  de  Nietzsche  ah tiens  , bien  sûr  !  et  puis Darwin   Edgar  Poe et  aussi  sa  position  contre  la  peine  de  mort   (1904 - un de ses premiers  romans-  aux EU c'était  une idée novatrice  ! ) .

 Je  m'attends   à  "souffrir"  sur  la banquise  avec la  chasse  aux phoques  , comme   je souffre  avec  Melville  et  la  baleine  blanche   ,  ou  avec  Hemingway  pour  ses  safaris  et   ses  corridas ..   Il  y a  là  un  phénomène étrange  qui  marque  évidemment  l'évolution  de  nos  mentalités  (et  de  notre  sensibilité).
J'ai  dû  lire ces  auteurs   dans les  années   56-60 et  notre seuil  de  tolérance   au regard de  la cruauté notamment  animale a  beaucoup  changé  . Une certaine  forme  de  racisme  également  est  généralement  reprochée  à  London  , comme   pour  Kipling  dont  il  était   un grand  admirateur  .
Avec  déjà  ces  réserves  qu'il faut  relativiser  par le  contexte  à  la fois  de  l'époque à laquelle  il  a  été écrit   ,  et  celui  où  il  était  lu  ce  qui  est  une  autre  curiosité ..je vais   "revisiter  "  London,  dont   j'ai  retenu  , cette fois  consciemment , les  idées  politiques  et  sociales   .

Il semblerait  que  je ne  sois pas la  seule  ,  puisque  son  oeuvre   est  en  cours  de  réédition   et  fait  l'objet   d'un nouveau  regard   dans la sphère littéraire  et philosophique  . Heureuse coïncidence!!!

Le  loup  des mers  (edition  de 1966   donc    serait  "philosophiquement  incomplète puisqu'il  manquerait  des passages  sur  Nietzsche et  Shopenhauer  , mais  me semble dejà asssez  edifiante sur le  sujet   .   à voir   plus  tard .....) 
Hump Van  Weyden: Le narrateur interne et principal  protagoniste  : Jeune gentleman  écrivain
Loup-Larsen :  capitaine de  la goélette  le fantôme,  chasseur  de  phoques    et  autodidacte

p.72 : Hump : J'étais  effrayé  de  la sauvagerie  qui  m'envahissait  et je me demandais   si, sous  l'influence  de  l'universelle  bestialité  dont j'étais entouré  , je n'allais  pas me  conduire moi-même  comme  tous  ces hommes, qui  me  faisaient  horreur. Oui,  moi  qui  déniais à  la justice le droit  de punir  de mort ,  même  en   châtiment  du  crime  le plus flagrant,  allais-je  tuer  ? 

 p73 :  Hump :  Non  mais je  connais   la valeur  de la  vie  humaine.
            Loup  Larsen  :Et quelle sorte  de  valeur  lui  donnez-vous ?  Des mots  ! des  mots! La preuve en  est que  ,  mis  au pied  du  mur , vous  êtes incapable  de  me  répondre .La vie  dans l'univers   est illimitée.  La nature  en  est  prodigue. Regarder les poissons  et  leur s millions  d'oeufs. Vous-même,  si  votre seule occupation  était  de procréer, combien  d'existences  seriez-vus  capable d'engendrer ?  Et  si  tous les êtres que  vous auriez procréés se  multipliaient dans les mêmes proportions, au bout  de quelques  générations ils formeraient  tout un  peuple!
La vie  ?  Elle n'a aucune  valeur. Rien  n'est meilleur  marché ici-bas. Et,  si  elle  ne se  dévorait  pas elle-même,  jusqu'à ce que les plus forts subsistent  seuls,  il  n'y aurait pas  sur notre  globe assez  de terre  et  assez  d'eau  pour la contenir.

Chapitre   7   (un chapitre  lumineux  )     contemplation  de  la   mer   (par   (London-Hump) et  coté  lumineux  de  Loup-Larsen qui  cède   à  l'instant  poétique , s'élève dans   sa contemplation  et   se  reprend  immédiatement :  beau  mouvement  littéraire  )

P 77 : La mer  calme  :  Au-dessus  de moi  , le ciel  est  d'un  bleu  admirable  et  tout  aussi   bleue  est la  mer qui, sous  l'étrave qui  la déchire, est  pareille  à  un  satin  azuré, resplendissant. Tout  autour  de  nous   l'horizon  est  légèrement pale.  Qulques nuages  floconneux, immobiles  et  toujours semblables à  eux-mêmes, sont  comme   un  enchâssement  argenté dans   le ciel  de  turquoise.
[...] Le bruit  de  l'eau   était  pareil  au  gazouillis d'un  ruisselet sur  des pierres moussues,  au  fond  d'un  vallon  vert, et la  douce  et  monotone chanson   m'emportait loin, bien  loin  de moi-même.

Hump :  La vie  selon   vous  est  sans  valeur.
Il éclata  de  rire   et, pour la première fois  , je le vis  s'abandonner  à  une  franche  gaieté   .
- Loup  larsen : Décidément  vous n't  comprenez rien . C'est  l'imagination d e l'homme  qui  lui donne tout son mérite. Et  c'est pouurquoi  en  ce moment la  vie  est  extraordinaire pour  moi .
Oui   devant  cete belle nuit, une etrange  exaltation   m'envahit . IL  me  semble  que l'univers est à oi  que je vois  clair dans la vérité  et   dans la justice,  dans le  bien  et le mal . Et je pourrais presuqe croire  en  Dieu.
  Mais  (son  visage  s'assombrit, alors  que sa voix  se  faisait plus rauque  )   la cause  de  cette exaltation  est purement  matérielle.  L a tiédeur de l'atmosphère,  un  estomac   bien  garni et  une bonne digestion , voilà  ce  qui  met  en  effervescence   le  ferment  vital  que je  suis  et  fait petiller mon  sang  come  du champagne. Et  demain  ...  Eh bien  deman ,  comme  l'ivrogneq ui  a cuvé son  vin ,  je  paierai , en  retombant à  plat  dans la  réalité, cet instant  d'ivresse.
 Puis  le jour où  je mourrai  , ce  sera en mer  vraisemblablement,  je m'en  irai  au  fond  de  l'eau  pourrir  et  servir  de pâture  aux  bouches  qui  me  gettent Ma vie  et mes muscles redeviendront  existence et  force  dans  la nageoire, dans l'écaille  et  dans les  boyaux  des  poissons.

Chapitre 8 :  Spenser  , morale  et  philo
p 85 :  Loup  Larsen  : vous  obstinez à  croire  au bien  et au  mal
Hump :  sincèrement  vous n'y  croyez pas  ?
Loup  larsen  :   Pas le oins  du  monde  !  Il  n'y  a qu'un  droit,  je le  répète,   celui  de  la force  Le  faible à  tort  uniquement parce  qu'il  est  faible. C'est  tant pis pour  lui  Il  est  bon  et  profitable  d'être  fort...
Hump : .... altruisme  ....
Loup   Larsen   Oui, oui  je  me souviens de  quelque  chose  de semblable  dans   Spenser  ..

(Hump-London) Je  demandais   ce qu'un  tel  homme  avait  bien  pu  tirer  de  la lecture d e  ce philosophe  pourq qui  l'altruisme était intimement  lié à  son  ideal  de  vie  supérieur Il  est  cetain  que  Lop  larsen  avait  épluché  dans  Spenser  ce qui lui  convenait  et  avait  rejeté le  reste  .)

Hump : Bref  dis-je   vous êtes un individualiste  un materialiste  et un  hédoniste  . 

Chapitre   9   Transformation  de  Hump .physiquement  et  moralement

Chapitre 10  Lucifer , l'enfance  du  loup (de  Loup  Larsen  !), la joie  créatrice,  la  chance  .
 Hump-  London :  sur  la mélancolie   scandinave  (loup  larsen  est    norvegien  d'origine  danoise   )Je  comprends mieux maintenant les  vieux mythes de la  religion  d'  Odin  Les  sauvages  à  peau  blanche  et  à  cheveux blonds  qui  créerent  des panthéons  terribles  étaient  de  cette  espèce  .L'insouciante  gaieté des  latins  est inconnue  de  Loup  Laren Quand il  lui  arrive  de  rire  c'est  une  forme  différente  de  sa  férocité et  rien  d'autre  . Mais   il  rit  rarement Une   sombre  hypocondrie qui  a  de profondes racines ataviques , constitue le  fond de sa nature C'est  cette  tristesse  latente,  fanatisée  qui  a  produit  chez les Anglais, l'Eglise  réformée et  des   tres  du  type  de   Mrs  Grundy (personage symbolique   aux idées  etroites  et obstinées )
Mais la religion   qui  est par elle-même  une  consolation   manque  à  Loup  Larsen et  l'abandonne à  sa  sombre humeur Son  matérialisme  brutal  constitue   toute  sa philosophie En  sorte  que  quand il est  envahi  par les idées noires , il ne peut  devenir  que  diabolique  .

Hump-London : belle  image  de la nature  sauvage :
 la crise  dura trois jours.  Loup Larsen etait  presque aveugle. (céphalée)  Il souffrait  comme  souffrent les  bêtes sauvages et  comme  celà  me semble  être  l'habitude sur  les  navires pareils  aux nôtres . C'est  à  dire   solitaire ,  sans  se plaindre  et  sans être  plaint.

p 106 Loup  Larsen :  La crainte, la souffrance  et la haine ont  été les   seules impressions  de mon   âme  d'enfant.
Hump  :  la chance  vous  a  manqué
  Loup  Larsen : Mais personne ne  crée la chance et  l'occasion  favorable m'a  fait  défaut.  Tout  ce qu'on  peut  faire  est  de  la  reconnaitre  quand elle  se présente  .
     
Chapitre 11   L'Ecclésiaste :
Loup  Larsen  :..... "Tout  est  vanité  et  affliction  de   l'esprit. Rien n'est stable  sous  le soleil "
Un  chien  galeux  vivant  dit il vau  mieux qu'un lion  mort   . Il  aurait préféré   la vanité de  la  vie   et  ses  tourments   au  silence  et  à  l'immobilité  de  la  tombe   .... Vivre est une  vanité  .  Mais  regarder par  delà  de la  mort  en  est une  bien plus  grande  encore  ..
Hump ... Omar   Khayyam . Lui  du moins   , après  s'être  torturé  l'esprit  toute sa  jeuness  ,  de ces troublantes spéculations sur  nos fins  dernières  ,est parvenu   à  se  fabriquer  une philosophie joyeuse qui  lui  a permis de vivre heureux  .

Chapitre  12 
Rixes  et bestialité  : Un  chapitre   d'une  extrème dureté pour   décrire   la brutalité de   ces  hommes  ça faut  "Fight-club"  !!

Chapitre  14  la femme, complot  contre Loup  Larsen et  mort  du  "second"
"C'est une chose malsaine  et  contre nature  , que l'homme vive  en dehors du  contact de la femme et  la  méprise  ou  dédaigne comme  le  font  toutes les  brutes qui  m'entpurent . La dureté  et la  sauvagerie    sont  le  résultat de cet isolement. il n'y a pas  d'équilibre  dans leur  existence  .  La spiritualité  de  leur  nature  s'est  atrophiée  "  

Chapitre  15 : Promotion  de  Hump  au  rôle  de  second  passe  à  Monsieur   Humphrey Van Weyden
Les  limites  du  courage  . compromis  pour  la survie, transformation  et  dépassement  de  soi   .

Chapitre  16  :  La montée  de  la  Haine   dans  son  paroxysme chez  Leach en  même  temps  qu'il  redevient  humain  . desespoir ,prédit le suicide   de  Johnson  ,  le meilleur  et  donc le  plus  faible   ....

Chapitre  17 :  periode  redoutée   , on arrive  sur  les  bancs  de  chasse  au  phoques !  jusque  là   London   reste  très  "sobre" sur  le  massacre   mais  dans  ce  milieu  cruel  et  brutal   parait  "normal"  .
Par  contre  ce  chapitre   plus long  que  les  autres   fournit   une image  exceptionnelle  dans  la description  de  la  tempête  !!  Je ne  pense pas  que   Conrad  ait  fait  mieux   !   Grandiose   ,  la  lutte  des hommes  contre  la nature  dechainée  .

Chapitre  18 : Desertion  de  Johnson et  de  Leach  , seul  espoir  de se soustraire à  la cruauté de  Loup-Larsen .-  Apparition  de  Maud. Cynisme du  capitaine
"on aurait dit  que le   besoin  de lutter, même  et surtout   dans  les  conditions les  plus  defavorables, lui   était  aussi  nécessaire      que l'air  qu'il  respirait.
Chapitre   19 :  paroxysme  de  cruauté de  Loup Larsen
"La poursuite   desespéré  recommença, elle  aussi . Elle  dura pendant  deux heures encore.  Le même  manège se  renouvelait sans  arrêt.  Nous  ralentissions et  mettions  en  panne. Puis nous repartions, pour ralentir , remettre  en  panne et  repartir.
Et  toujours le petit  bout  de  voile luttait, amternativemnt jeté versle  ciel pour retomber dans les  vallées liquides.
U grain  plus  violent que  le précédent le cacha à notre vue, tandis qu'il  se  trouvait à  un  quart  d mille en  arrière.
Il ne   repart   jamais.

Chapitre   20 : humiliation  de  Hump  . Jusqu'où  le vouloir vivre pousse  un  homme  ...

Chapitre   21 :  Le requin

Chapitre   22   Naissance  d'une  idylle  dans  cet  enfer .

Chapitre   23 : Hump-London  idealiste
"Et  je  songeais   à ce  que  m'avait   dit  souvent   Ch... , qui  était  un grand  sage   : "l'homme qui  ne connait  ici-bas que  la matière  trouve, dans  son matérialisme même,  le châtiment  de  sa doctrine   " (hum  ça se discute !)

Chapitre 24 : Duel  sur  la mer  entre les   deux  frères   ( Loup-Larsen  et  larsen-la-mort) ,le Fantôme  contre le  Macédonia.

Chapitre 25 : la seduction  du  prédateur ,  poésie  Milton (l'Enfer) , fuite  ...

Chapitre   26 : Les deux  fuyards ..

Chapitre   27 :  Arrivée  sur l'ile  qu'ils  baptisent   l' Ile  de  bonne volonté

Chapitre   28 :  un  couple  de  Robinson

Chapitre  29 : vie  primitive

Chapitre   30   Réapparition  de  Loup Larsen  abandonné , vaincu  et  malade

Chapitre  31   :  pitié

Chapitre  32 : derniers  sursauts  du   fauve  blessé

Chapitre 33 :  mort  de  Loup  Larsen et  sauvés  .
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Un  des  tout premiers  romans   de  London . Je  dirai  essentiellement  axé  sur  l'instinct  de  survie , la  resistance  à la bestialité. Si London  a  voulu faire  de  Loup  Larsen  un personnage  Nietzchéen par  sa  philosophie   son  nihilisme   et   la  puissance  au  sommet  des  valeurs  de  survie,   il  en a aussi   démontré  le paroxysme  de  cruauté  auquel  cette  lecture  de  Nietzsche commune  à  l'époque  de l'auteur , peut mener . Aujourd'hui  on  dirait  qu'il  en  est une  caricature  .
Ceci  dit  , la  description   du  personnage  , son  contour  psychologique  est  admirablement  structuré par  London  , où  la force physique sert  et  libère  tous les instincts de domination  et de puissance sans   étouffer  l'esprit  receptif  à la conscience  et  à  l'art    ce qui  en  décuple  la  perversité dans  sa cruauté  .
Pauvre  Humphrey ,  confronté à  cette  violence   au milieu   des  hommes  de  l'équipage avilis  par  leurs  conditions  de  vie  sur  le  Fantôme  et dont  il  redoute  la contamination de la haine  , de  la  lâcheté , de  la trahison .

 

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